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Les histoires écrites par les CE2 A

Publication : par Cazalas MP.

Comme j’habite dans un très haut manguier, je vois bien que les chemins de la savane sont dangereux. Mes amis Fatoumata, Adama et Sikhou les utilisent tous les jours pour aller à l’école. Ils ne sont pourtant qu’en CE2 mais ces trois petits hommes sont invincibles. Leur école est à deux heures de marche du village. Avec Satoa, on les regarde passer. Nous deux, on se chamaille tout le temps. Elle vient toujours manger les feuilles de ma maison avec son long cou. Mais la voilà qui détale brusquement vers les enfants pour les prévenir que la bande de félins les attend un peu plus loin.
Heureusement que Satoa veille encore sur nous ce soir ! dit Adama en saluant la girafe.
Ce qu’elles sont pénibles les lionnes ! Elles nous font le coup tous les soirs ! C’est un jeu ou quoi ? ajoute Sikhou avec un visage énervé.
Vite, prenons la route des palmiers, dit Fatoumata, avec un ton autoritaire. C’est plus long mais on ne les croisera pas et on ne sera pas leur repas.
Les enfants bifurquent et courent vers les arbres.
Quelques minutes plus tard, ils s’arrêtent près de la rivière pour boire. Moi, je me tiens au-dessus d’eux et je reprends mon souffle aussi. Mais là , qu’est ce que je vois ? Un énorme python sort des buissons. Il rampe vers eux ! Il s’approche !
Vite, vite ! Fuyez ! Mais fuyez je vous dis !
Qu’est ce qu’il a à s’agiter comme ça, Youyou ? dit Adama, en me fixant.
Debout les garçons ! Vite ! Le ouistiti nous montre le serpent ! hurle la petite fille en quittant l’endroit.
Ouf ! Ils m’ont compris ! Tant pis pour toi Stanley !
Un de ces soirs, je te surprendrai, maudit ouistiti et ça se passera mal pour toi satané singe... siffle le serpent en s’éloignant.
Quand ils arrivent au village, ils saluent toujours Tiqui, la gazelle, qui broute dans les hautes herbes. Ils passent devant les cases et se séparent pour aller retrouver leurs familles.

Ce soir, tous les villageois se réunissent sous l’arbre à palabres pour écouter Aladji le griot et les vieux sages. Ils ont tous un visage très sérieux. Je m’approche d’eux et j’entends qu’ils annoncent que quatre adolescents ont disparu. Les mères sont bouleversées et l’une d’elles s’effondre en larmes. Tout le monde est en état de choc . Après, le sage Mohamed annonce une deuxième mauvaise nouvelle.
Nos champs sont envahis de milliers de taupes. Elles creusent des galeries et nos cultures ne poussent plus. On ne pourra pas récolter notre manioc si elles continuent.
Aladji dit qu’il faut vite trouver une solution. L’un des sages propose de tout recouvrir d’eau pendant la nuit pour les noyer. Ensuite, il faudra bêcher pour retourner la terre et chasser les bestioles. Tout le village fait un signe de la tête pour accepter. Ils décident de commencer le soir même. Mais pour la disparition des enfants, ils envoient immédiatement aux quatre coins de la région les guerriers les plus forts de la tribu pour enquêter et retrouver leur piste.
Une fois que les chasseurs sont prêts à partir, les familles les accompagnent sur les chemins en leur souhaitant bonne chance.
Sikhou rejoint ses amis en courant. Il est paniqué et leur annonce que Mamadou, son grand frère, fait partie des victimes. Adama le réconforte mais Fatoumata annonce soudain :
J’ai une idée ! Et si on partait nous aussi à leur recherche ?
Evidemment, les deux garçons sont tout de suite d’accord.
Profitant du désordre et du bruit des villageois qui remplissent des seaux d’eau, les trois amis se préparent un sac à dos et s’éloignent des cases en toute discrétion.
Avec Tiqui et Satoa, on a décidé de les suivre pour les protéger des dangers qui les attendent.
Les enfants marchent toute la nuit et au petit matin, ils rencontrent le roi de la jungle qui trône sur un grand rocher face à la plaine. Le lion rugit longuement et leur montre avec sa patte un chemin que les enfants suivent. On se remet tous en route et Satoa, en marchant, nous répète les paroles du roi Baki.
Il a dit qu’il avait entendu des cris humains près des mines de diamants.
Tiqui s’exclame : - C’est bizarre, elles sont fermées depuis le tremblement de terre !
Moi, je rajoute : - Allons-y, faut aller vérifier !
On marche tous ensemble dans les hautes herbes et tout à coup, Fatoumata dit :
Coucou les zèbres !
Les trois copains continuent leur route mais nous on s’attarde pour discuter un peu avec eux. Tiqui leur demande s’ils ont entendu ou vu des choses étranges.
Zébré nous explique :
Ça fait quelques jours qu’on entend des coups de fusils dans la région et hier, figurez-vous qu’on a trouvé plusieurs carcasses d’éléphants morts ! Le vieux Makasanga était l’un d’eux !
C’est encore un coup des braconniers qui les tuent pour leur ivoire !
Mais Zébré insiste :
Non, c’est incompréhensible. Ils avaient tous leurs défenses !
Moi je me demande qui peut assassiner pour le plaisir. C’est horrible !
On rejoint nos petits humains en silence. Personne ne dit rien. Baki avait raison. Quand on arrive près de la mine, on entend des hurlements et le claquement des fouets. Satoa reste en bas à cause de sa taille mais nous, on monte sur la colline qui domine la mine. Le spectacle est hallucinant : des enfants qui portent des chaînes à leurs chevilles avancent vers la grotte à la file indienne et d’autres en sortent avec des paniers remplis sur leur tête.
En plus des chaînes, ils sont fouettés ! dit Adama.
C’est de l’esclavage total ! s’exclame Fatoumata.
C’est incroyable tous ces gardes ! ajoute Adama.
Mamadou ! Regardez, c’est Mamadou ! C’est le troisième qui sort de la mine ! crie Sikhou.
Chut ! Moins fort ! On va se faire repérer ! chuchote Fatoumata.
En fait, ils apportent tous les paniers pleins d’or et de diamants sous une tente violette. Deux adolescents soulèvent la toile et une grande femme toute maigre vêtue de noir sort. Sa tête est recouverte d’un pagne noir. On voit bien son nez crochu et les nombreux colliers qui recouvrent sa poitrine. Elle tient un petit bâton.
C’est Moumbara, la sorcière ! dit Adama.
Mais je croyais qu’elle était morte, murmure Sikhou.
Elle doit avoir au moins 100 ans. Mes arrières-grands-parents m’ont raconté comment elle avait été bannie du village à leur époque, explique Adama.
Et alors, pourquoi nos ancêtres l’avaient-ils exclue ? demande Fatoumata.
Elle était complètement folle. Elle voulait tout diriger et en plus elle torturait les animaux.
A ce moment, l’horrible femme monte sur un chariot rempli de paniers. Derrière elle, deux files d’enfants sont attachées au chariot et de chaque côté, il y a des dizaines de gardes armés de fouets et de fusils.
On descend vite rejoindre Satoa et là , on décide que Tiqui, qui est la plus rapide d’entre nous, va repartir au village pour attirer les guerriers ici.
Nous, on suit le cortège de loin mais la grande Satoa se fait vite repérer par Baka qui vole au-dessus de nous. L’aigle prévient Moumbara et là , c’est un peu la panique pour nous. Voilà qu’elle envoie des milliers de feuilles d’arbres sur nous. Ça n’a pas l’air dangereux sauf que dès qu’elles touchent le sol, elles se transforment en affreux serpents. Moi, je saute immédiatement sur le cou de Satoa et elle, courageuse, elle attrape les trois enfants par leurs habits et les hisse jusqu’aux arbres. Elle a juste le temps de nous sauver et ensuite, elle s’enfuit loin des reptiles. Nous aussi, nous devons partir loin d’eux. Certains commencent à grimper aux arbres. Alors je montre comment je me déplace aux enfants et ils me suivent. Je jette un coup d’oeil derrière nous et je vois la longue silhouette de la girafe qui devient de plus en plus petite. Je crois qu’elle s’en est sortie. Enfin, je l’espère... Entre Baka qui nous surveille de là -haut et les sifflements qui viennent du bas, il faut avancer. Pas le temps de pleurer le départ de mon amie.
Très vite, on arrive au domaine de la sorcière. Du haut de notre arbre, on voit la maison de Moumbara et sur sa terrasse, huit hommes blancs boivent dans des beaux verres en cristal. On dirait que ce sont des chasseurs. Au pied de leurs gros 4x4, plusieurs caisses d’armes sont ouvertes. Il y a même des arcs et des arbalètes. Un serviteur noir nettoie des pièges métalliques qui ressemblent à des gueules de crocodiles. Moumbara descend de son chariot et va saluer ses visiteurs. On entend plutôt bien ce qu’ils disent depuis nos branches. Les trois enfants sont silencieux. La sorcière explique qu’elle cherche à faire fuir les villageois.
Ce n’est qu’une question de temps, dit-elle.
Elle raconte à quel point elle les déteste depuis qu’ils l’ont exilée. Je n’entends pas tout ce qu’elle dit ensuite mais j’ai bien compris les mots violence et vengeance. L’un des hommes lui demande si la réserve de chasse qu’elle leur a promise, sera bientôt ouverte.
Mais bien sûr ! Plus que quelques jours à mon avis avant que ces maudits villageois ne partent. Une fois que j’aurai détruit leurs cases, il n’y aura plus personne pour vous empêcher de vous amuser.
Un autre chasseur lui pose la question :
Et s’ils ne quittent pas la région ?
Alors Moumbara leur montre son petit bâton en disant :
Dans ce cas, je leur jetterai un sort et tout sera brûlé !
Comme l’un des chasseurs s’approche du chariot, elle le menace :
Éloignez-vous de mon or ou vous serez le premier à tester le sortilège du feu !
Et vous en faîtes quoi, vous, de toutes ces richesses ? ajoute-t-il sans peur.
C’est le secret de ma jeunesse éternelle. Il n’y a que moi qui peux m’en servir.
Les enfants se regardent sans rien dire. Une fois qu’ils sont tous rentrés dans la maison, Fatoumata organise un plan. Sikhou propose d’attendre la nuit pour agir. Adama remarque que tous les prisonniers sont envoyés dans des grands dortoirs. Un garde ferme toutes les portes avec la même clé et va ensuite la donner à Moumbara. Comme la fenêtre de sa chambre est juste en face de nous, on voit la sorcière poser cette clé sur sa table de chevet. Dès qu’elle quitte la pièce, je saute à l’intérieur et m’empare de la clé. En me retournant, j’aperçois son bâton sur le lit. Alors sans réfléchir, je le prends et retourne sur la branche le plus vite possible. Il n’y a plus personne. Non, Adama est juste en dessous de moi. Je lui lance la clé et il court ouvrir les potes des dortoirs. Il passe devant Sikhou qui est en train de crever les pneus des 4x4. Mais où est passée Fatoumata ? Ah, elle est là , près de la rivière ! Elle jette des armes dans l’eau. Voilà que Mamadou et ses amis viennent l’aider.
La nuit tombe mais notre petite troupe revient au village en courant. Tout le monde est content de revoir les disparus sains et saufs. Moi, je suis ravi de retrouver Tiqui et Satoa en pleine forme. La gazelle m’explique que les guerriers ont réussi à ramener les enfants des mines dans les villages. Les sages décident de se réunir immédiatement pour trouver des solutions pour la suite. Les longues discussions commencent. Je m’éloigne pour me reposer un peu. Tout à coup, le calme se fait et Aladji installe sa kora devant lui. Des sons mélodieux qui sortent de sa calebasse attirent tous les animaux. Elle nous parle et nous invite à venir la rejoindre. Bientôt, des milliers d’espèces sont là autour des villageois qui sont assis et écoutent leur griot jouer sa belle musique. La kora nous explique tout le mal que la sorcière a fait aux enfants, à la terre, aux éléphants. Je sens la douleur des frères de Makasanga. Même Hector, le crocodile verse une petite larme. Puis elle nous raconte les projets de Moumbara et ses amis les chasseurs. La peur et la colère montent dans nos rangs. La kora continue et nous donne des ordres comme le chef d’une grande armée qui va passer à l’attaque.
Les premiers à partir sont les oiseaux. Ils ont pour mission d’attaquer Baka et de le forcer à se poser au sol. Nous, c’est à dire tous les singes, nous devons les suivre et les attendre sur nos arbres. La kora dit aux gorilles qu’ils devront ensuite lui maintenir les ailes pour ne pas qu’il puisse s’envoler pour aller prévenir son horrible maîtresse. Avant de partir, je donne le bâton de Moumbara à Hippolite, qui le pose par terre et qui l’écrase avec ses grosses pattes. La calebasse demande à tous les hippopotames de faire de même et aux perroquets d’éparpiller les poussières aux quatre coins de pays.
Après avoir rempli notre mission, nous sommes sensés nous retrouver tous au campement de la sorcière. Quand j’y arrive, les éléphants et les rhinocéros se chargent de détruire son domaine. Ils arrivent à grande vitesse, foncent sur les différents bâtiments, les détruisent et les écrasent. Les humains sortent complètement paniqués et courent dans tous les sens. Ça ressemble à une fourmilière qu’on aurait bousculée. A ce moment, les jaguars, lionnes et léopards se mettent à pourchasser les hommes blancs. Je suis mort de rire. C’est vraiment drôle de voir ces petits bonhommes en pyjama s’agiter dans tous les sens en criant comme des fous. Ils font moins les malins sans leurs fusils ! De mémoire de ouistiti, je n’ai jamais vu de chasseurs devenir le gibier des grands félins.
Manga, la femme de Makasanga, aperçoit au milieu de ce fiasco, Moumbara qui hurle en levant les bras au ciel. L’éléphante la charge tête baissée et l’attrape avec ses défenses. Elle la soulève de plusieurs mètres avec sa trompe et la laisse tomber par terre. On a tous entendu son cri atroce, horrible et puis juste des gémissements... et puis plus rien du tout...
Les villageois arrivent après cette ambiance de guerre. Ils découvrent les destructions et les corps abîmés. Ils récupèrent ce qui peut leur servir et surtout les pierres précieuses qu’ils ramènent au village. On les aide à les transporter. C’est notre terre à tous !
Quand on retrouve Aladji, il cesse de jouer de son instrument et se lève. Maka lâche Moumbara devant ses pieds. Il prend un gros diamant dans un des paniers et le tend à la sorcière. Elle le regarde fixement et Aladji pose le manche de sa kora sur la pierre brillante. Là , d’un coup, la sorcière se transforme en fumée grisâtre qui pénètre très vite à l’intérieur du diamant. La pierre précieuse devient noire. Le griot charge Mamadou de l’enfouir dans la galerie la plus profonde de la mine. Il demande aux pachydermes d’aller bloquer l’entrée quand il en sera sorti.

Depuis ce jour, nous vivons tous en harmonie dans la savane. Plus personne n’a jamais entendu parler de l’horrible Moumbara et de ses projets de chasse. Parfois, je vais aux mines de la pierre noire mais il n’y a plus rien à voir là -bas, juste un petit tas de cailloux avec un vieux fusil cassé planté au milieu.
Et mais, qui mange encore les feuilles de mon arbre ? C’est fini oui ? C’est encore toi Satoa !!!
Regarde nos trois collégiens qui reviennent au village !